6 mai 2019, 17h45. Maman, 54 ans.
La rupture. Le jour de la rupture.
C’était une rupture d’anévrisme.
Ce qui te tue en 1 seconde.
Comme un coup de tonnerre dans un ciel bleu.
« Je ne vois plus »
C’étaient ses seules paroles, ma maman est ensuite tombée.
Voici son histoire.
J’aurais aimé en lire une, moi aussi, pour savoir où nous allions.
Peut-être qu’un jour tu liras la tienne ou quelqu’un te la lira, car tu ne vois pas.
Avec tout mon amour et toute ma reconnaissance.
♥️
Ce soir là, ce lundi vers 18h, j’ai reçu un appel, j’ai senti que c’était grave, que tu partais..
C’était Tatie. Elle était venue en vacances, arrivée la veille. Et elle m’a dit que tu avais fait un malaise..
Nous avons été directement aux urgences et quelques heures après le médecin nous annonça que c’en était une, une rupture d’anévrisme.
C’était le début de la fin. Mais tu t’es battue, comme personne.
Opérée d’urgence pour cautériser l’anévrisme, ils ont fait tout ce qu’ils ont pu et tu seras transférée dans la nuit à Bordeaux pour une autre opération. Il ne faut pas que ça resaigne entre temps, sinon c’est fini.
J’ai été incapable de te dire au revoir.
Bordeaux, C.H.U Pellegrin, Service Neuro-Réa.
Merci à tous du fond du cœur, de t’avoir rendu la vie.
Tu respirais. Tu étais vivante.
Toutes ces machines, tous ces tuyaux dans toi, sur toi, autour de toi. Ta tête rasée à moitié, tu respirais.
Tu étais là, Tatie m’a dit de te toucher et de te parler. J’avais peur de te faire mal, de te réveiller. Je ne savais ni quoi faire, ni quoi te dire à part de ne pas m’abandonner, de rester avec moi, avec nous.
Les jours sont passés et quand tu as ouvert les yeux, j’ai été bloquée. Je n’ai pas pu venir te voir ce jour là. C’était un mercredi, j’avais honte, j’avais peur, je ne pouvais pas t’aider, je me détestais. Je me souviendrai toute ma vie de ce moment-là où mon corps n’en pouvait plus. J’étais bloquée. J’ai appelé la psychologue du service immédiatement.
Elle m’a dit de détourner ton regard, ce regard de fantôme. Tu n’y voyais rien et je ne le savais pas encore. J’avais l’impression que tu étais un fantôme et ça m’effrayait. Je ne trouvais pas le moyen d’y arriver. J’avais tellement honte et je pleurais devant l’hôpital.
Je culpabilisais, je ne me comprenais pas et je me détestais de te laisser. Mais papa et mon frère étaient là, avec toi.
Et puis tu t’es mise à bouger ta main gauche, assez violemment par moment, toujours le même geste, dans le gant. Tu adorais t’arracher la sonde naso gastrique.
Le côté droit, lui, était figé.
La réanimation était un cauchemar. Je me souviendrai toujours, j’avais peur de sonner à la porte, après ces escaliers en colimaçon pour descendre au sous sol.
En descendant, c’était la mort.
Le couloir de l’entre deux. Le passage.
Les gens pleuraient et esquissaient un sourire pour dire bonjour, car on se reconnaissait. Quand on était là, c’était pas bon. Un élan de compassion, un sourire..
Et plus je m’approchais de toi, plus la peur me gagnait. On devait sonner. Attendre. Se laver les mains 2 fois, rentrer par 2, et attendre. Je n’arrivais pas à rester plus de 10 min. Je demandais à chaque fois, à chacun, de tes nouvelles. Tout le temps, à chaque visite, mon cœur s’emballait.
Tous les matins on appelait, encore aujourd’hui.
Au début c’était Tatie car j’avais peur de la mort, que tu partes, que tu m’abandonnes. Et puis tu t’es battue. Comme une reine, comme une lionne.
Et puis ils t’ont assise. Et puis tu as souri.
On dormait là-bas, avec papa. Quel vide.
J’ai passé mes 31 ans, avec toi maman. Et je t’ai embrassé 31 fois. Et j’ai pleuré, sans que tu m’entendes, jamais.
Et ta petite tête a encore fait des siennes : des vasospasmes (pic entre 7 et 11 jours). Cela a duré 3 jours d’affilée. 3 traitements tentés. Le dernier a fonctionné. Ce vilain mot m’a encore effrayé : des micro AVC au niveau des artères cérébrales.
Dieu merci.
Alors ton cerveau s’est encore, un peu plus abimé.
Le bureau juste à côté, la salle à droite avant la porte de ta salle d’attendre. Ce bureau, le bureau de la fatalité. Celui où, quand on y entrait, on ne savait pas comment l’on en ressortirait. J’avais peur de m’assoir.
Mais à chaque fois que j’en sortais, j’étais soulagée de savoir qu’il y avait une solution. Il y a toujours une solution.
Tu as souri. La dérivation interne a été installé à l’intérieur de ta petite tête car tu n’étais pas capable de drainer ton liquide encéphalo-rachidien, et les ventricules subissaient trop de pression.
Tu es montée en chambre. J’ai eu une peur bleue. J’appréhendais. Et c’est arrivé par surprise un vendredi. Plus aucune machine, plus aucune assistance. Juste ta petite dérivation à l’intérieur de ta tête. Les cheveux repoussent.
On est sortis dehors avec toi et tu as ri. C’était un dimanche. J’ai eu peur, je pensais que tu t’étouffais mais non tu riais !
Puis tu as été chambre double, de nouveau peur, car délaissée. On t’a retrouvée dans des positions tordues, toute transpirante. Papa était très en colère. C’était dur de l’entendre râler. C’était dur de supporter tout le reste. Et tu me manquais tellement. Tu me manques tellement.
Les heures de bus, de voiture, on essayait de vivre, de parler d’autre chose. Sans cesse tu me hantais, encore des mois après. Je ne supportais pas d’être sans toi, de vivre sans toi.
Ce sont tes premiers sourires à Bayonne. Et un peu de fièvre. Tous les jours depuis le début, j’ai écris ton évolution. Pour que peut-être je renseigne des personnes qui cherchent, ou que tu saches, ce que tu as vécu Maman.
Vendredi 21 juin : Rencontre avec le médecin du service. Aujourd’hui tu as un peu de fièvre encore 38,5.
J’ai téléphoné à la psychologue de Bordeaux pour tous les remercier. On était partis si rapidement.
Samedi 22 juin : Des rires partagés, des essais de prise de paroles. L’aphasie arrivait. Tu faisais des apnées en dormant, ça aussi m’effrayait. Ton cerveau était si abîmé.
Dimanche 23 juin : Tu as mangé ta première crème.
Lundi 24 juin : Tu as passé ton premier scanner le matin depuis l’opération : anévrisme repéré + micro AVC (vasospasmes).
On nous a dit que tu avais des troubles de la vue avérés.
La première séance de kiné a eu lieu, tu ne répondais pas aux ordres simples. Donc le kiné travaillera quand tu seras assise.
Mardi 25 juin : Tu es très fatiguée mais tu restes 3h au fauteuil et tu manges assise.
Jeudi 27 juin : On te verticalise pour la première fois à 50/55 degrés.
Vendredi 28 juin : Bilan positif du médecin et kiné car beaucoup de progrès
Mardi 2 juillet : Bonne nouvelle. Une place à St Jean se libère jeudi ! Centre de neuro rééducation ! Victoire !! À toi de jouer..
Les mots sont tombés.
Tu peux évoluer comme rester comme tu es aujourd’hui. Sur un fauteuil, ne bouger qu’un côté, ne discerner que de la lumière et de l’obscurité, échanger avec nous malgré ton aphasie.
Tu peux aussi, pour le mieux, réapprendre à marcher, à voir ou à discerner des formes, des mouvements, à décontracter ton côté droit..
Alors on nous d’abord parlé de tes progrès : tu tiens devoirs 20/30 min et tu pourrais davantage, tu tiens assise avec un maintien en bas du dos. L’objectif est que tu tiennes sans ce maintien, et tu peux le faire, le kiné nous l’a certifié. Cela dépend de ta disponibilité, de ton humeur..
L’orthophoniste nous a dit qu’elle avait commencé la rééducation neuro visuelle avec la lumière : éclairer un objet transparent dans l’obscurité. Te concentrer et te dire de l’attraper, selon l’endroit là où il se trouve. Et tu y arrives ! 3 fois avec elle, 2 fois avec moi. Répéter cet entraînement un petit peu tous les jours, entraîner ton cerveau à « discerner » quelque chose, « développer ce sixième sens » a dit le docteur. Faire travailler cette vision automatique : « et si tu voyais quelque chose, pourrais-tu l’attraper ? ». Et tu y arrives. Tout le monde en est ravi, toi la première. Tu pleures à chaque fois. Et moi aussi quand je te vois.
L’aphasie est toujours présente et t’empêche de prononcer certains mots, donc tu bloques dessus et puis tu oublies le reste.
Ta mémoire est défaillante. Cela bloque à peu près tout. Les choses vues et engendrées la veille ne peuvent pas être réitérées le lendemain. Alors ils travaillent des automatismes car la mémoire freine l’apprentissage.
Les piqûres de botox vont être recommencées d’ici peu pour pouvoir encore travailler ton côté droit sans douleur.
Ton orthèse est régulièrement revue, changée, adaptée.
Et puis.. On a parlé de l’après. De ce centre à Briscous, une maison d’accueil spécialisée. Ou d’un retour à la maison (avec travaux ou déménagement). J’ai peur, tout me fait peur mais aujourd’hui on nous demande de penser à demain. Il existe des aides à domicile mais par précaution il faut aussi demander une place, même temporaire, dans ce centre, au cas où..
Mais maman, de tout mon cœur, tout entier, je ne souhaite qu’une chose : que tu continues de travailler, de te battre et de progresser comme tu le fais. Que l’amour que je te donne tous les jours t’apporte la plus grande force.
Je t’aime et j’y crois ! Plus que jamais !
♥️🙏♥️🤞♥️
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